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LEROUX Philippe

L’Oeil du peintre et le regard de l’amateur

A travers ses toiles, vues urbaines, manoeuvres de port, scènes de plages, nocturnes veloutés, vieilles voitures ou encore fonds sous-marins, Philippe Leroux aime conjuguer les plans, les masses et les perspectives, faire dialoguer les angles et les diagonales. L’oeil de l’architecte y est souvent à l’oeuvre, capable de composer avec des volumes, de structurer un espace tout en laissant circuler l’air et la lumière. 
Chez ce coloriste, la lumière se fait parfois aveuglante, aiguisant certains détails pour mieux en atténuer d’autres. Avec l’ombre, son contrepoint, elles se décomposent en plans distincts et imbriqués. Souvent intense, la couleur dynamise et anime l’espace, mais elle peut être aussi douce et poétique comme la lumière du soir, piquante comme les froids matins d’hiver, profonde et mystérieuse lorsqu’elle aborde la surface de la mer ou ses fonds. Lorsque la nuit tombe, elle n’est jamais vraiment noire. Telle une ouate sombre, elle enveloppe les formes, occupe le ciel, imprègne de silence.  

On peut apprécier chez le peintre l’oeil de l’architecte, le geste du dessinateur, l’intensité du coloriste. Mais le regard du peintre est là aussi pour donner à voir ce que l’on ne perçoit plus, ce qui ne retient plus notre regard. Tout est dans la composition : un premier plan à effet repoussoir, des courbes qui se glissent, des angles qui s’emboîtent, une échappée vers la mer, le ciel ou l’horizon. Philippe Leroux est un peintre discret, au regard aigu et attentif à l’entre-deux du monde qui nous entoure et celui qu’il nous invite à explorer.

Sous une simplicité trompeuse, ses tableaux renferment des éléments autonomes qui invitent au récit Avec sa matière lisse et étirée, le regard est conduit au-delà du cadre de la toile, de l’espace et du sujet. Sommes-nous dans une histoire réelle, un instant saisi, un film, un roman, une nouvelle ?. Comme l’écrivain, le peintre propose ici au spectateur des pistes, des accessoires, des personnages, une atmosph�re, un décor. A la différence de l’écrivain, Philippe Leroux laisse au spectateur la possibilité d’imaginer son propre scénario, renouvelé et réinventé à chaque lecture du tableau. 

Lieux connus ou réinventés, chacun est invité à les re(-)voir au travers du regard du peintre, avec ses points de vue inédits, souvent imprévus, parfois décalés. Peintre généreux, Philippe Leroux nous donne en partage des instants lumineux et poétiques où les objets ont du coeur et le regard est bienveillant.

Marie-Anne du Boullay, 15 Octobre 2016, Le Havre